Un discours scientifiquement argumenté est un discours qui s’appuie sur des preuves vérifiables (qui peuvent être des observations, des mesures, des modèles, des données expérimentales…) et pas une explication uniquement fondée sur des notions. Les actualités récentes montrent que le discours scientifique est souvent remis en cause et relégué au statut d’opinion sur les réseaux sociaux mais également dans les médias. Une formation scientifique solide passe donc par l’apprentissage de l’argumentation : identifier les faits qui fondent le discours scientifique. L’épreuve de spécialité de SVT exige explicitement cette argumentation dans une synthèse. Cette évolution vise à renforcer la formation scientifique des élèves et nous amène à interroger nos démarches d’enseignement.
Nous allons présenter deux démarches d’enseignement permettant de travailler l’argumentation avec les élèves.
Une démarche inductive en partant du particulier pour aller vers le général
C’est la démarche qui s’est imposée dans les classes. Le savoir est construit progressivement à partir de la découverte et de la mise en relation de données. Le modèle explicatif (schéma bilan, la trace écrite finale) est la finalité de cette démarche.
Avantages :
- Les élèves partent de ce qu’ils voient, de cas particuliers ancrés dans le réel.
- Le questionnement est nourri par leurs observations.
- La découverte éveille leur curiosité et augmente leur motivation
Inconvénients ou risques :
- Les élèves sont souvent plus en mode découverte qu’en mode recherche car les objets sont la plupart du temps sélectionnés et simplifiés, en éliminant la complexité du réel pour servir l’objectif de démonstration. Le risque est d’empiler des notions qui se retrouvent dans un schéma bilan sans que les élèves n’aient fait vraiment des sciences. Les faits servent davantage à illustrer la notion qu’à discuter de sa solidité scientifique.
- Le fossé est parfois grand entre le cas particulier (ou l’exemple local) et la généralisation (fruit d’un travail scientifique sur le très long terme).
- La conclusion est parfois connue des élèves qui sont amenés à faire semblant de ne pas la connaître ou à jouer un rôle : l’exercice peut être artificiel voire superficiel et même bancal quand le nombre d’arguments est insuffisant pour passer à la généralisation.
- La tâche peut s’avérer chronophage et décourageante parce que dénuée de sens : par exemple, en géologie sur le terrain, il faut beaucoup d’expérience pour comprendre globalement ce que l’on voit !
Une démarche déductive en partant du général pour aller vers le particulier
Le/la professeur(e) livre l’explication des scientifiques et demande aux élèves de rechercher des arguments qui étayent leur raisonnement. C’est une démarche finalement assez peu travaillée en classe et pourtant proche de ce qui est demandé dans les épreuves certificatives : « montrez que… », « Vous appuierez votre exposé et argumenterez votre propos à partir d’expériences, d’observations et/ou d’exemples judicieusement choisis. »
Avantages :
- On s’intéresse davantage au processus (le travail de recherche) qu’au produit (la conclusion qui est ‘spoilée’).
- On peut amener les élèves à réfléchir sur les preuves (arguments) à rechercher pour discuter de la validité et des limites de l’explication ou du modèle présenté : exemple, si je suis en contexte de collision alors je peux rechercher des plis, des failles inverses…
- L’élève manipule le modèle et ce temps de classe est une étape de son apprentissage.
Inconvénients ou risques :
- Rester dans le transmissif : passer trop de temps à raconter une histoire (la conclusion).
- Ne pas se mettre à la portée des élèves (cette histoire est souvent complexe).
- Donner d’emblée la conclusion n’est pas dans les habitudes des enseignant(e)s qui, en général, construisent ce bilan en fin d’activité : l’activité peut être déstabilisante.
Une troisième démarche : l’abduction
Selon Peirce, philosophe américain du début du XIXe siècle, l’abduction désigne une forme de raisonnement qui permet d’expliquer un phénomène ou une observation à partir de certains faits. C’est la recherche des causes, ou d’une hypothèse explicative. Nous pratiquons l’abduction dans la vie courante, lorsque nous recherchons les causes d’un phénomène ou d’un fait surprenant. En classe la phase de problématisation laisse place à la créativité des élèves par la formulation d’un questionnement et d’hypothèses explicatives qui peuvent engager une démarche d’investigation. En ce sens, on peut considérer que la problématisation relève d’une démarche abductive.
Liens pour approfondir ce concept :
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00880344/document http://lelibellio.com/wp-content/uploads/2013/02/DOSSIER-Abduction.pdf « Un projet pour faire vivre des démarches expérimentales » J.Y Cariou
Le contexte et le niveau des élèves guideront le choix de l’enseignant mais dans tous les cas les élèves s’engagent dans une démarche d’investigation quand ils observent le réel, le questionnent, recherchent des indices, modélisent, expérimentent, formulent des hypothèses et font des déductions logiques en exerçant leur esprit critique. Dans le schéma ci-dessous qui montre les éléments d’une démarche d’investigation, la recherche d’arguments se situe donc dans la boite centrale. Dans une approche inductive, la lecture se fera naturellement de la gauche vers la droite : de la recherches d’arguments à la construction d’un bilan à caractère général qui répond à la problématique initiale. Dans une approche plus déductive, la lecture se fera dans le sens inverse : du bilan général au cas particulier. L’objectif visé n’est alors plus le même. Il s’agit dans ce cas de rechercher sur quoi repose un savoir scientifique qui est d’emblée exposé à l’élève : si ce que l’on me dit est vrai, alors je dois pouvoir vérifier un certain nombre de choses (observer, mesurer…) et appliquer le modèle à un cas particulier. |
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- Schéma de la démarche d’investigation
Parmi les ressources en téléchargement, vous trouverez un outil modifiable (jeu de cartes des « Hexa ») pour que l’élève apprenne à formaliser, visualiser et communiquer sa démarche d’investigation.