Enseigner des problèmes (B.Michaux)

Enseigner des problèmes

Conférence prononcée lors du stage de didactique des arts plastiques de Sèvre en décembre 1990

Introduction

“Enseigner des problèmes ”. Cela revient à dire enseigner des questions à résoudre, des tâches à accomplir et pas seulement enseigner des résultats.

Enseigner des problèmes, c’est enseigner des questions qui n’existent que si quelqu’un se pose ces questions. C’est enseigner à problématiser ; j’envisage mal ce que serait un problème qui ne serait pas posé, auquel on aurait simplement rendu visite, qu’on aurait contemplé.

Donc, enseigner à problématiser.

Problématiser comporte, me semble-t-il, deux mouvements : un mouvement de l’esprit, mener une enquête sur ce qui est encore inconnu, qui sera peut-être mieux connu lorsqu’on aura la solution, mais qui est encore inconnu. Donc, c’est effectivement un mouvement de l’esprit. C’est aussi un mouvement de l’affectivité dans la mesure où quelqu’un se pose un problème et il en assume l’incertitude pendant au moins un certain temps. Il avance sur des terres plus ou moins balisées mais où la connaissance est à construire et il assume donc une incertitude. C’est un mouvement de l’esprit et un mouvement de l’affectivité , un certain engagement de la personne, d’une certaine manière.

Enseigner à problématiser n’est pas enseigner quelque chose, mais plutôt sur un objet enseigner à faire quelque chose. L’élève a à apprendre à problématiser. Pendant un certain temps, nous — je m’autorise ce nous professionnel — nous le mettons dans des situations problématiques, mais nous sommes là. Certains types de réponses ne sont pas inconnus. D’une certaine manière, notre tâche est de pouvoir nous retirer au bout d’un certain temps et de supposer, sans prendre ici de situation idéale, mais de supposer, néanmoins, qu’il continue à problématiser pour sons propre compte. Nous avons enclenché un mouvement chez lui, problématiser, non pas nécessairement inventer des problèmes inédits, être original à toute force, mais problématiser même des problèmes déjà bien balisés, c’est-à-dire se les poser. Les problèmes n’existent que quand quelqu’un les pose. Et au fond, l’élève a à apprendre la problématisation — même s’il n’est pas seul pour cela, même si la situation a lieu en commun, avec communication, peut-être même avec division des tâches — il y a à vivre une expérience de soi qui est l’émergence d’un problème.

Et c’est ce qui me fait dire que, dans une certaine mesure, chacun d’entre nous devant des problèmes, même dans une position d’élève ou d’enseignant, est dans une position de chercheur. Je ne sais pas si au bout du compte nous serons d’accord sur ce point, mais, me semble-t-il, il y a un fond commun de l’élève et du chercheur : c’est la problématisation.

Apparemment, je le sais bien, les situations sont distinctes. L’élève, au mieux, apprend à problématiser, mais il apprend aussi en problématisant. C’est une manière provoquée d’assimiler en problématisant des résultats qui existent déjà (donc différents du chercheur qui lui, n’a pas ces résultats-là). L’élève se trouve devant des exercices déjà bien problématisés et il a en plus, dans la position scolaire, un fort sentiment d’application. Le chercheur n’est pas dans cette position. Donc, apparemment, les situations sont distinctes. Je voudrais simplement montrer que, dans le rapport au problème, il y a pourtant des points essentiels communs : apprendre à l’élève à problématiser, est dans une certaine mesure, le mettre en position de chercheur.

Bernard Michaux

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